mercredi 11 avril 2018

Raymond Depardon, "Traverser"



Espace Lympia, Port de Nice du 7 avril au 16 septembre 2018


Raymond Depardon déclara un jour : « Une grande photo procède d'une pensée. Elle existe parce qu'elle était là, enfouie au fond de soi. » Et de fait, sa vérité ne s'exprime pas tant dans la répétition du réel ou dans sa représentation mais plutôt dans l'évidence de ce qui devait advenir. A l'instar de l'écriture à laquelle s'adonne aussi le photographe, l'image procède du dévoilement d'une présence demeurée invisible jusqu'alors. L'artiste n'invente rien, il laisse l'événement, la mémoire, s'infuser dans le temps jusqu'à ce qu'ils imprègnent la photographie de ce « temps faible » qui absorbe la durée du quotidien.
Depardon n'est pas le photographe du « temps décisif » qui capterait l'instant magique d'une apparition mais plutôt celui de la vie quotidienne avec toutes les plages de banalité et de silence qu'elle recèle. Capter la vie c'est aussi sculpter ses ombres, y répandre de la lumière.
La vie, telle est la grande affaire du photographe. Il l’explorera tout autour du monde comme reporter. Le Tchad, l'Afghanistan, la Bolivie. Mais aussi dans les territoires de l'intime quand il évoque la ferme qui l'a vu grandir ou bien les lieux de l'abandon, ceux des asiles ou des prisons et ceux d'une France rurale en voie de disparition.
Plus que de la nostalgie que le photographe caresserait, il faut regarder dans ces images l'étendue d'une blessure. L'objectif de Depardon traque l'espace des solitudes, les villes mortes, l'élégance tragique des ruines et les regards sans issue. L'exposition d’une centaine de tirages et de documents divers concernant son travail sur l'ensemble de sa carrière témoigne de ce regard humble et tendre qu'il n'a cessé de porter sur l'humanité.
A propos de la photo d'un homme dans un hôpital psychiatrique, Raymond Depardon écrivait : « Regarder le mal, la douleur de tous les jours. Celle du dehors ou celle d'ici. Il y a aussi la lumière, cette lumière de novembre qui pénètre dans les pièces (…) Il n’y pas de tristesse, c'est le mental qui commande. Tout est libre, sans liens, sans contacts. La pensée seule reste libre, c'est la seule chose encore en liberté. Le photographe aussi, il reste libre. » Tout près de cette photographie, il y en a une autre, toute simple. C'est celle de la tombe de Marguerite Duras. On comprend pourquoi.

L'exposition a été conçue par Agnès Sire, directrice de la Fondation Henri Cartier-Bresson en collaboration avec Raymond Depardon.



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